Ce 23 avril 2017, je vote sous état d’urgence. Depuis 16 mois, nous vivons avec la présence massive de militaires et de contrôles à longueur de journée. À cet état d’urgence, s’ajoutent de nombreuses lois liberticides votées par l’assemblée en place ainsi que le maintien sous le régime de l’assignation en résidence d’une dizaine de personnes qui n’ont pas eu le droit à un procès contradictoire.
Ce premier état de fait est extrêmement grave. Il est irresponsable de laisser ces outils aux mains de quelques-uns.
Mon second état de fait, c’est que je ne souhaite plus vivre d’élections comme celle-ci. Je ne supporte pas de vivre dans une république où la figure principale est une personne seule et providentielle. Je souhaite voter d’abord pour un programme qui forme une assemblée plurielle, et ensuite déterminer la ou les personnes à même de les singulariser. Je ne réduis pas la politique au choix d’un président tous les 5 ans. C’est pourquoi, je compte bien aller aux urnes le 7 mai, puis aux législatives. Mais aussi voter aux élections professionnelles, m’engager dans ma vie de quartier et de photojournaliste ou encore dans mes choix de consommation et de coopération.
Alors, le 23 avril, on marque notre attachement à un modèle de société, et on provoque le futur désirable. Je considère qu’en tant qu’individu vivant dans une démocratie, je me dois à des compromis et que dès lors, personne ne trouvera une grâce parfaite à mes yeux. Je fais donc deuil du candidat 100 % compatible, mais je vais vers celui qui correspond le plus à mes idées ou à ce que je pense bon pour la France. Je n’aime pas non plus être dévot et mon vote vaut aussi œuvre de vigilance et d’approbation critique. Je connais les limites et défauts de celui pour qui je vote. On ne restera pas les bras croisés pendant 5 ans. Il n’est pas seul, c’est bien « une révolution citoyenne » qu’il s’agit de faire perdurer.
Face à l’état d’urgence sécuritaire, j’oppose 3 urgences fondamentales :
– l’urgence démocratique avec la nécessité d’une 6e république qui fasse synthèse de ce qui ne marche pas dans la 5e et qui nous offre des nouveaux droits. C’est le préalable indispensable pour une citoyenneté active du 21e siècle tant souhaité depuis des années (proportionnelles, vote blanc, révocation des élus, non-cumul des mandats)
– l’urgence sociale : près de 9 millions de personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté, 3,5 millions de chômeurs, 150 000 personnes qui sont dans la rue !
– Enfin l’urgence écologique, car plus encore que les deux autres, elle est notre condition sine qua non à notre existence sur cette planète et qu’il serait dès lors criminel de ne pas y répondre. Cette crise planétaire ne doit souffrir d’aucuns compromis surtout qu’elle est une chance par la transition du mode de vie qu’elle offre et aussi en terme d’emploi et d’investissements.
Dès lors, deux projets majeurs trouvent grâce à mes yeux pour répondre à minima à ces 3 urgences, celui de la France Insoumise avec son candidat Jean Luc Mélenchon et celui porté par le Parti Socialiste et Europe Écologie Les Verts avec Benoit Hamon et Yannick Jadot.
Le projet porté par Hamon et Jadot correspond le plus à mes aspirations profondes. Je le trouve le plus visionnaire, notamment sur la question de la réinvention du travail, à la fois avec l’idée du revenu de base, et à la fois avec l’accompagnement des nouvelles formes du travail indépendant pour permettre la création d’un nouveau « code du travail ». Il me semble aussi plus porté sur la logique de transition et de décentralisation qui correspond à mon souhait d’autonomie et de libertés pour mener des projets coopératifs, solidaires et créatifs.
Pour autant je ne vais pas voter pour lui. Je considère Benoit Hamon pris en otage par la logique du Parti Socialiste qui le soutient. Il n’est pas en mesure d’appliquer son projet avec sincérité. Les arrangements électoraux ont déjà commencé pour les législatives et les investitures proposées par la candidature de Benoit Hamon ne sont pas à la hauteur du renouvèlement de celles de la France Insoumise. Je suis partisan de l’union des forces progressistes et je pense qu’on le réalisera en portant Jean Luc Melenchon au pouvoir puis en créant une coalition aux législatives qui réunissent les élus de la France Insoumise, ceux du PS désensorcelé, d’EELV et d’autres de la société civile à l’instar de François Ruffin. Nous avons besoin de ce monde pour changer le pays et être portées sur notre futur. Une victoire de Jean Luc Melenchon sera bonne pour les idées de gauche. Regardez ce que fait, difficilement, mais surement Éric Piolle à Grenoble. J’apprécie la cohérence politique du programme porté par Jean Luc Melenchon. Ca fait un tout. Mais il faut aussi noter la dynamique du mouvement la France Insoumise qui renouvèle par la base l’engagement citoyen et dépasse les logiques d’appareils.
Mais plus profondément mon vote pour l’Avenir en Commun répond à une inquiétude. Je me rends compte désormais d’une rupture nette entre moi, mon milieu social favorisé et le reste de la population. Je m’explique. Je pense que, par mon capital social et culturel de naissance, par mon genre, ma couleur de peau et par ma nationalité, je suis en mesure de tirer tous les profits de la globalisation actuelle. Je peux accéder aux nouvelles formes de vivre le monde en transition, de manière solidaire, écologique et coopérative, tout en voyageant et en ayant le temps pour apprécier la culture, la nourriture, la vie parisienne et tout le reste. J’ai « LA BELLE VIE », en santé de surcroit, et cette belle vie me permet d’aspirer en confiance et avec envie au monde proposé par Benoît Hamon (et à fortiori celui de Macron si je pensais qu’à ma gueule de dominant).
Pourtant, le Brexit, Trump, ou la percée du FN lors des dernières régionales, ajoutés à mes reportages dans différentes catégories de la population et mes nombreuses lectures me font prendre conscience que les incantations et les déclarations d’amour à l’Union Européenne, au travail indépendant choisi et bien vécu ou à l’écologie ne suffisent pas à créer du désir, de l’emploi, de l’émancipation, de l’engagement et de la capacité à chacun de prendre en main son destin.
Je suis peut être condescendant en disant cela, car je ne suis peut être pas plus libre qu’un autre, mais je me sens optimiste et en mesure de faire ce qu’il me plait aujourd’hui dans ce monde.
Ce n’est pas le cas pour beaucoup de mes concitoyens. Pessimistes, déclassés, dépités et rejetés. Et ce n’est pas un problème d’envie ou de confiance, c’est le problème plus fondamental qu’une bonne partie du peuple vit dans la misère la plus totale.
Misère sociale avec pour une trop grande partie de la population des revenus faibles. Misère au travail avec des conditions difficiles chez les employés, un non-sens chez les cadres qui ne savent plus ce qu’ils font ou encore la précarité des contrats courts. Misère chez les indépendants qui ne font pas œuvre de défense collective et sont les dominés des rapports de force avec les donneurs d’ordre. Misère de la production où la valeur créée par les travailleurs revient majoritairement et sans contrôle aux dirigeants et investisseurs. Misère culturelle avec la perte du sens critique et le manque de pluralité des sources d’informations. Misère des discriminations avec la domination des hommes sur les femmes. Misère du racisme qui vous ramène continuellement à vos origines. Misère répressive avec les contrôles au faciès ou l’iniquité de traitement entre la délinquance financière et celle de la rue. Misère des corps avec la malbouffe, le handicap, et les maladies chroniques. Misère géographique avec l’isolement, la perte de services publics. Misère de vie avec le travail comme seul horizon. Et la misère démocratique avec une non-représentativité totale, et une défiance des institutions.
Toutes ces misères s’accumulent, et malgré le poids de nos classes moyennes, le fait que nous soyons une génération éduquée et diplômée, malgré la disparition progressive des ouvriers et des agriculteurs, je vois bien qu’autour de moi, ils sont nombreux ceux qui souffrent. Ils ont mon âge, ils sont de ma propre famille. Ils ne trouvent pas de travail. Ils galèrent pour avoir un appart dans une grande ville. Ils enchainent les stages. Ils sont en doute permanent sur leur futur. Ils n’ont pas de papier pour vivre dans mon pays. Et il y a tant d’autres difficultés que je ne présume pas, car je le répète, je suis blanc, homme, jeune, en bonne santé, vivant à Paris de mon métier passion. Et que j’ai une somme de chances inouïes qui me permet cela.
Vous connaissez ce constat, nous le partageons en permanence sur les réseaux. La crise, les souffrances, les guerres, la destruction de l’environnement, les scandales sanitaires ou judiciaires, le mépris que l’on donne aux migrants. C’est documenté et les mouvements sociaux comme Nuit Debout, Occupy Wall Street, les luttes altermondialistes du début du siècle en sont la réaction positive et inclusive tandis que les nationalistes et les conservateurs en sont la version sombre et totalitaire.
De cette indignation, car c’est le mot que nous partageons tous majoritairement, il est temps d’en expérimenter une réponse politique forte. Le libéralisme, au sens où il faut donner des opportunités (« des chances » comme dit Macron) aux humains pour qu’ils les saisissent, ne fonctionne plus. L’enjeu ce n’est pas que ceux qui vivent bien vivent encore mieux, mais que ceux qui survivent (et qui sont majoritaire) puissent vivre. On peut avoir le sentiment que ce n’est pas le cas, nous les bienportants. Mais n’oublions jamais d’où l’on vient et la chance que nous avons. Notre pays regorge de richesses et peut très bien s’accommoder d’une redistribution de celles-ci. Il y gagnera sur le long terme.
On ne peut faire de futur désirable sans marquer une pause radicale dans la libéralisation du monde et sans redonner à chacune et chacun les moyens d’une vie digne et juste. Nous avons besoin d’une thérapie de choc, dans le bon sens du terme, et je pense sincèrement que le programme de l’Avenir en Commun peut nous y mener. Il ne sera pas appliqué dans sa totalité, mot pour mot, je le sais. Nous sommes en démocratie. Nous dépendons des autres. Le jeu politique invite à des compromis. La réalpolitik ramènera peut-être Jean Luc Melenchon à des positions plus traditionnelles, notamment sur l’international avec son souhait de non-intervention et non-alignement. Mais à qui veut le plus, peut le mieux. Nous allons expérimenter et essayer. Il s’agit de créer une politique de la demande à l’échelle du peuple. C’est à dire lui donner les moyens de l’équité, de l’égalité, de la fraternité et de la liberté pour qu’il soit en mesure de se saisir des opportunités de l’époque. Macron et les libéraux proposent l’inverse, mais à quoi bon de nouvelles entreprises et de la croissance si plus personne n’est en mesure d’en profiter ? C’est bien de cela qu’il est question.
En parallèle d’une refondation de notre contrat social avec la France Insoumise, ceux qui se sentent « forces vives », pourront continuer à être optimistes et progressistes et à tourner le dos à tous les conservatismes. À continuer l’ouverture sur le monde et sur l’Europe que j’aime tant. On dénoncera les atteintes aux droits fondamentaux ou nous pourrons suivre par exemple les enseignements du documentaire « Demain » de Cyril Dion qui fait un bel écho aux programmes de Hamon et de Melenchon.
Ce monde-là est soutenu par les ONGs qui d’Amnesty à Anticor en passant par Greenpeace notent favorablement le programme de la France Insoumise. Lisez l’appel des Solidarités avec les 500 propositions d’associations. Presque tout ce qui est proposé trouve traduction politique dans l’Avenir en Commun. Pourquoi se priver franchement ?
J’invite donc à voter et faire voter pour Jean Luc Mélenchon et à ce qu’on en fasse notre histoire.
Le programme l’Avenir en commun :
https://avenirencommun.fr/
Une analyse des programmes par les ONGs : https://blogs.mediapart.fr/…/presidentielles-2017-revue-des…
L’Appel des solidarités : https://www.appel-des-solidarites.fr/
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Je réponds ici à 3 limites que pose la personnalité et les idées et Jean Luc Mélenchon et avec lesquelles je suis en désaccord. Pour les pondérer.
- Sur la question de son rapport aux médias. Je trouve le candidat Melenchon parfois assez irrespectueux et stupide dans sa stratégie, notamment par exemple son refus boudeur de venir chez Mediapart. Pour autant, ce qu’il faut se dire c’est que ça nous oblige nous journalistes à être sans concession et complaisance envers ses pratiques et ses idées, en faisant notre travail sans connivence. C’est une distance saine qui peut s’établir avec lui. Il a le mérite également de ne pas mettre en scène sa vie privée et de toujours se placer sur le terrain des idées. Mais dans le fond, ce qui m’intéresse chez un candidat ce n’est pas qu’il soit copain avec les journalistes, mais qu’il ait un programme et des propositions qui favorisent mon indépendance et ma condition sociale. Et à ce titre, le programme de l’avenir en commun répond à bon nombre de nos souhaits professionnels. Je vous invite à livre le livret programmatique sur les médias. Tout y est : loi contre la concentration, refonte des aides à la presse, possibilité de reprendre la direction des journaux par les journalistes, charte de déontologie à inscrire dans la convention collective, application du barème de piges pour les photojournalistes. C’est là-dessus qu’on doit se baser !
https://avenirencommun.fr/le-livret-medias/ - Sur la question de l’Europe. Oui, il y a un risque à appeler après des négociations à un référendum qui ne portera non pas sur oui ou non à l’UE, mais sur l’acceptation ou non du résultat des négociations obtenues par Jean Luc Melenchon. Je me méfie des référendums, pour autant, je pense que la situation actuelle ne peut plus durer et la commission européenne n’a pas pris la mesure du Brexit ou de la montée des populismes de droite en Europe. Il est temps de changer le rapport de Force. La politique c’est cela. Sur cette question de l’Europe, mon Plan A c’est de me dire que Hamon et Melenchon sont plus proches qu’opposés après le visionnage de ce débat passionnant entre Jacques Généreux et Thomas Piketty qui arrivent à la même conclusion sur le constat et la stratégie : Mon plan B, c’est d’avoir un maximum de pro-européen qui soit vigilant (et j’en suis) pour éviter le pire et que le rapport de force au sein de la France Insoumise, mais aussi dans notre pays nous éloigne d’un frexit. Si on ne fait rien, l’UE implosera d’elle-même. https://www.politis.fr/articles/2017/03/video-jacques-genereux-et-thomas-piketty-debattent-de-leurope-36523/
- Sur la question des positions internationales de Jean Luc Melenchon. Je lui reproche son ambigüité, mais il a changé. Il gagnerait à la clarté, mais je crois qu’il joue volontairement sur les mots non pas par amour de Poutine qu’il ne soutient pas, mais bien par volonté de nous faire comprendre l’importance de l’ONU et de la diplomatie dans la résolution des conflits. Je le trouve candide et naïf sur ce point et je suis convaincu que la réalpolitik et les informations remontant de notre réseau diplomatique le feront évoluer sur nombre de points. Avec le temps, j’ai compris sa position comme étant celle de faire de la France un pays non aligné et non interventionniste. C’est dans cette logique qu’il faut comprendre son raisonnement. Je n’ai pas d’avis sur la pertinence de cette politique et le fait que Jean Luc Melenchon apprécie la politique de certains régimes. Mais je veux considérer les faits : sa politique ne me semble pas dangereuse et hasardeuse, et je préfère un pays qui n’intervient pas qu’un pays qui intervient sans raison valable en dehors de la légitimité de l’ONU. Souvenons-nous de l’Irak en 2003. Par ailleurs, je préfère une diplomatie politique qui ne soit pas hypocrite : À quoi bon condamner par voie de communiqué et de déclarations les agissements de tels ou tels régimes si notre pays continue à faire des affaires en sous-main avec ces régimes : ventes d’armes, présence de Lafarge en Syrie, contrats d’affaires avec l’Iran, le Qatar ou l’Arabie Saoudite. Je ne supporte plus cette indignation de façade quand dans le fond, quand il s’agit de business, on pactise volontiers avec le diable. Et ce n’est pas Jean Luc Melenchon qui fait cela, ce fut le fait de Hollande et encore plus de Sarkozy et bien avant avec la Francafrique. Et je ne vois pas Macron ou Fillon changer cette politique. Exemple avec Havas Worldwide qui conseille volontiers les régimes totalitaires : https://www.mediapart.fr/journal/france/140417/le-bras-droit-de-macron-pris-part-l-election-du-president-venezuelien
- Marche pour la 6ème République organisée par le mouvement La France Insoumise dont Jean-Luc Mélenchon est le candidat à l’election présidentielle française 2017. La marche a réunit près de 100 000 personnes entre la place de la Bastille et la Place de la République à Paris le 18 mars 2017. Elle s’est terminée par un discours de Jean Luc Melenchon autour de la proposition de son programme de passer de la Vème à la VI République en changeant de constitution. ↩︎
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