Hier, lundi 15 décembre, une trentaine d’élèves du lycée du Bugey à Belley dans l’Ain ont pris possession de leur établissement scolaire dès 4h30 du matin. En bloquant et en occupant leur lycée pour une durée indéterminée, ils entendent protester contre la réforme du système éducatif de Xavier Darcos. Tout comme plusieurs centaines de lycées en France aujourd’hui, le blocage et l’occupation de leur lieu de scolarité permet aux lycéens mobilisés de s’engager pleinement dans la mobilisation et d’expérimenter la pratique de la politique et de l’autogestion.
Les annonces du ministre de l’Education promettant hier un report de la réforme n’ont pas mis à mal les motivations et convictions des lycéens qui entendent bien continuer leur mouvement au coté des professeurs et parents d’élèves, eux aussi mobilisés. C’est pourquoi ils ont revotés le blocage et l’occupation du lycée ce mardi 16 décembre et appellent à une manifestation silencieuse dans les rues de la ville, demain mercredi à 8 heures.
Cette annonce du ministre montre d’ailleurs bien l’inquiétude qui peut régner au sein du gouvernement. Les récents mouvements sociaux qui ont agités la Grèce la semaine dernière suite à la mort d’un adolescent tué par un policier feraient-ils craindre à nos politiques un scénario identique en France ?
On en est pas si loin lorsque l’on constate l’exaspération croissante en France de beaucoup de corps social : Justice, Santé (exemple de l’hôpital de Belley), Recherche, Éducation, Poste, SNCF et même les médias qui subissent eux aussi de plein fouets les conséquences de notre système économique et des doctrines qui le gouverne.
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Morgan Pionnier lors d’une nuit au lycée du Bugey en mars 2006 durant la mobilisation anti-cpe. Cette image est issue de mon retour photographique sur le mouvement qui est en ligne ici. C’était il y a 3 ans ; aujourd’hui je referais un editing bien plus serré et narratif.
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Je suis allé suivre hier ces lycéens mobilisés pour plusieurs raisons.
Primo, c’est par mon intérêt pour les luttes et mouvements sociaux qui agitent notre planète.
Secondo, c’est que c’est au lycée du Bugey que j’ai fais mes 3 années de scolarité jusqu’au baccalauréat. J’y ai donc encore des liens avec des professeurs ou des élèves.
Tertio, en 2006, lors du mouvement dit anti-cpe, je m’étais très impliqué dans l’animation de celui ci et nous avions, avec les lycéens mobilisés de l’époque, bloqué et occupé notre lycée pendant plus d’une semaine.
Ce mouvement dit anti-cpe est encore présent dans nos mémoires car c’était la démonstration qu’une lutte construite et radicale pouvait permettre un changement (même minime) au niveau d’un gouvernement. Qui plus est, dans le cadre de Belley, c’était l’exemple qu’une petite ville (8000 habitants), isolé médiatiquement et syndicalement, pouvait créer et maintenir un mouvement sociale d’ampleur.
A la fin de ce mouvement dit anti-cpe, nous avions pris soin de faire un bilan de tout ce que nous avions fait (tracts, communiqués, revue de presse, récits, photographies, vidéos). C’était aussi pour moi une expérience de reportage photographique sur une mobilisation que je vivait au jour le jour. Le but de ce bilan était d’avoir d’une part d’avoir un témoignage historique et d’autre part que ça puisse servir de base d’aide aux futurs mouvements sociaux. C’est dans ce cadre là que j’ai transmis aux élèves mobilisés d’aujourd’hui les documents, communiqués, expériences et contacts que nous avions à l’époque. Malgré ce transfert de savoir, j’ai pu constaté hier que les lycéens mobilisés avaient sensiblement les mêmes problèmes, les mêmes débats et les mêmes interrogations que nous avions il y a 3 ans. Qu’à cela ne tienne, ils ont réussis à occuper leur lycée et à faire parler d’eux. L’expérience du terrain ne remplace donc jamais celle des textes ou des « anciens » et heureusement d’ailleurs.
Un lycéen de Belley épuisé s’allonge sur le sol dans le lycée occupé, le 15 décembre 2008
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Je me suis beaucoup posé la question d’aller ou non dans mon ancien lycée pour suivre cette action de blocage et d’occupation. Si je revendique toujours ma subjectivité dans mes reportages et que je suis convaincu de l’importance d’un photojournalisme honnête mais engagé et militant, ce qui était le plus problématique dans ma présence hier était mon triple statut : Ancien élève, coordinateur du blocage et de l’occupation du lycée en mars 2006 et photojournaliste indépendant.
Ces statuts sont en collusion les uns avec les autres et, je pense, rendent ambigu, ma présence sur les lieux. Si bien que la veille de l’occupation j’ai décidé de ne suivre que les actions de la journée et de m’abstenir d’être là au moment de l’entrée dans le lycée à 3h30 du matin. J’ai pris cette décision suite aux conseils de plusieurs amis activistes et photographes que je remercie. Quand on a un problème éthique comme celui ci, il est souvent utile d’en faire part aux gens qui vous entoure et qui sont plus à même de voir les problématiques et solutions de la situation.
J’ai donc autant que possible garder une certaine distance hier avec les profs et élèves présents. Il était hors de question de participer avec eux à leur mouvement, j’étais là pour photographier, observer et discuter. Je leur ai juste livré l’expérience que nous avions eu à l’époque du CPE.
Cela n’a toutefois pas suffit puisque je me suis vu attribuer un refus de la part du proviseur de l’établissement de photographier le lycée de l’intérieur. Ce dernier n’a pas hésité à exercer des pressions sur les autres journalistes présents. Il a refusé, par ailleurs, tout contact avec les élèves.
Je vous livre donc ci dessous, une vingtaine de photographie de la journée d’hier. Vous pouvez continuer à suivre le mouvement des lycéens de Belley sur leur blog ou vous pouvez aller les soutenir sur place à Belley.
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