Dans la suite de mes réflexions d’hier, je me suis questionné sur la nature et le rôle de la photo de ski. C’est un photographe de ski suisse, Sébastien Anex qui m’a mis la puce à l’oreille en critiquant le classicisme de mes prises de vues de freestyle. Je ne parlerais donc pas ici de la photo de ski alpin classique mais de l’iconographie qui entoure et anime les sports alternatifs extrême, en l’occurrence le ski freestyle et le ski freeride.
Ces deux disciplines complémentaires jouent énormément de l’image au point qu’elle en est partie intégrante. C’est une chance que d’avoir cette relation entre une discipline et sa représentation mais c’est aussi un piège car pour sortir une autre représentation du ski freestyle, il faut peut être séparer l’image, de la pratique. Vous suivez ?
Aujourd’hui iconographiquement, on se rapproche énormément d’une photo publicitaire ou de mode dans le sens où elle doit magnifier le skieur, son environnement (le spot, lieu du ride), son style. La photo de ski se rapproche de la photo de sport outdoor et de la photo que je qualifierais « des années rocks » (dans son coté alternatif, décalé et avec les images d’ambiance tristement qualifiées de « livestyle« ). Tout cela parce qu’il faut vendre du rêve et parce que le ski freestyle & freeride se nourrit de ces images belles et/ou impressionnantes. Ce n’est pas d’ailleurs pas un hasard si la majorité des photographes (j’ai mis une petite liste à la fin de ce billet) qui suivent le ski newschool sont moins des journalistes photographes que des photographes de communication, de sport ou d’illustration.
Des Flashs
Pour étayer mon propos, il suffit de regarder le vocabulaire et le matériel utilisés pour la photo de ski. On parle d’organiser des photoshoots lors de sessions ride. On regroupe souvent les productions photos dans des portfolios présents dans les magazines où prime l’image seule sur la série cohérente. Ce mot photoshoot est bien synonyme de mise en scène, de séance posé pour obtenir l’Image. Ce n’est en soit pas un mal et les contraintes de ce sport (action rapide, terrain difficile) font que des sessions organisées sont un mal nécessaire pour les photos.
De plus, les riders utilisent souvent l’expression « faire de l’image » dans leurs interviews. On est dans une véritable logique de production, de conception, de production. Cette pratique ne vit pas sans images.
Coté matériel on ne s’y trompe pas : l’usage de plus en plus important, voir excessif, du flash déporté, par de nombreux photographes de sports extrêmes montre que l’on se rapproche de la mode et du studio, en jouant avec les éclairages. On crée la mise en scène. La nature et la montagne ne sont plus qu’un décor, les riders, des mannequins et les stations et les marques, des producteurs et des stylistes.
Sur le plan technique la publication fréquente de photos séquences prises en rafales (décomposition du mouvement du skieur) dénote au mieux une image à but pratique ou sportif (observer le saut), au pire d’une volonté d’imiter sur papier la vidéo.
Les exemples sont nombreux mais cela montre sur quel terrain et avec quels moyens se place actuellement la photo de ski.
Presse
Les 3 principaux magazines de ski newschool en France, Skieur Magazine, Weski et Fluid ont une politique photo qui leur est propre. Si Skieur Magazine reste dans une iconographie classique et somme toute journalistique, Weski fait le pari de photos plus « trash » et d’avantage mises en scène, se rapprochant presque d’un magazine de rock ou de contre-culture (modestement). Fluid, quand à lui, met fortement l’accent sur la photo en proposant 2 numéros snow et 3 numéros ski par ans qui sont très bien imprimés. Ce magazine propose à mon sens ce qui se fait de mieux en matière de photos de ski.
Skipass.com, qui est le site web de référence francophone sur le ski newschool accorde une place relativement importante à la photo. De récentes commandes de ce site ont même montré une envie de proposer quelque chose de plus narratif, proche du reportage. C’est par exemple le travail de Christophe Margot sur le Freeride World Tour.
Coupe du monde de ski freestyle à La Plagne.
[kml_flashembed movie= »https://www.pierremorel.net/diapo/coupedumondepipe09/loader.swf » height= »500″ width= »710″ allowFullScreen= »true » base= »https://www.pierremorel.net/diapo/coupedumondepipe09/. » /]
Sur la coupe du monde de half-pipe était présent des photographes de l’Equipe, d’AP et de l’AFP, non spécialisé en sports extrêmes, ce qui est plutôt rare dans ce milieu. De ce que j’ai vu sur le fil AFP et dans l’article de l’Equipe, on reste sur du gros plans : le skieur est isolé de son contexte, c’est une photo très descriptive. A mille lieux des conventions classique de la photo de ski freestyle (avoir un référentiel terrestre par exemple). C’est ainsi l’image qui est véhiculé pour le grand public. Très différents de ce qui se fait par les gens du milieux, mais il est toujours interessant de voir ce sort un photographes de presse, d’agence notamment sur le sujet. Ceci étant, je crois que ce n’est pas dans le sens de la photo AFP que pourra se renouveler la photo de ski.
Sports extrêmes et alternatifs, mêmes problématiques ?
La photo de ski freestyle serait alors peut être à mettre en parallèle avec l’iconographie des sports de glisse extrêmes et alternatifs. Si l’on regarde les magazines de surf, de skate, de roller et de snowboard (les 4 autres grandes disciplines de glisse), on est surpris de la qualité et de l’influence qu’on pu avoir les photographes de ces disciplines sur ceux qui photographient actuellement le ski newschool. Que ça soit pour l’utilisation du flash, la qualité de mise en page ou la place donnée à la photo, je trouve que la photographie de ski à encore quelques années de retard. Cela s’explique tout simplement par la jeunesse (une dizaine d’années) de ces nouvelles pratiques du ski.
C’est d’ailleurs en surf que j’ai vu récemment un travail qui se rapproche de ce que je cherche à faire photographiquement : « After The Storm » de Chris Bickford.
Trip freeride à Crans-Montana, fin mars 2009
[kml_flashembed movie= »https://www.pierremorel.net/diapo/cransmontana09/loader.swf » height= »500″ width= »710″ allowFullScreen= »true » base= »https://www.pierremorel.net/diapo/cransmontana09/. » /]
En vidéo ?
Les films de skis d’actions fonctionne aussi de la même manière. Il s’agit de succession de parts (segments) d’images de quelques minutes par rider accompagnés d’une musique. Le tout dure entre 30 minutes et une heure. La majorité des films d’actions de sports extrêmes se construisent selon cette trame là. Toutefois certains réalisateurs ou skieurs tentent ces dernières années de proposer des choses différentes sur le milieu du ski. J’attends toujours quelque chose qui aborde ça de façon plus documentaire et/ou artistique.
Où aller ?
Documentaire et artistique : c’est avoir un regard d’auteur sur la réalité de ce milieu. C’est ce qui m’a tracassé durant cette quinzaine de jour de ride, c’est l’impossibilité de poser un regard différent et personnel sur le ride en ski et sa culture. Selon moi, je n’ai fais que réaliser des images qui se rapproche d’un classicisme formel que l’on voit dans les magazines. La contrainte d’une commande (sur la coupe du monde de pipe), les besoins des riders (qui veulent souvrent du classique et de l’image claquante) et mon absence du terrain pendant 2 ans peuvent expliquer l’absence de ces images. C’est un vrai défi et j’ai beau eu tourner autour des spots, je n’ai pas trouvé d’angles personnels sur ce que je pouvais vivre.
Une autre difficulté est aussi que la spécialisation dans ce domaine des sports de glisse extrêmes amène, de facto, à s’adresser à deux publics et clients : les initiés et les non-initiés (la majorité). Si mes images pourront paraitre impressionnantes et très belles aux parisiens, elle ne seront que des images simplette pour les Alpins ou les Pyrénéens qui connaissent ce milieu. Je stigmatise 😉.
Ce jeu sur deux tableaux oblige à trouver un certain équilibre. Je pense, qu’à terme, c’est finalement en développant quelque chose de personnel qu’on arrive à toucher aussi bien les spécialistes que les non spécialistes. En terme pro et en terme de grand public.
En fin de compte, cela me motive d’avantage à chercher des idées nouvelles. Je ne fais pas ce métier pour reproduire ce qui se fait ailleurs mais pour essayer un tant soit peu de faire une photo intéressante, qui fasse avancer le schmilblick. On le fait tous et c’est comme ça que la photographie avance. Pour le ski, je manque de fart pour l’instant alors je me nourris de ce que font les autres et je m’interroge sur ce que je fais.
Quelques pistes en vrac me viennent à l’idée pour renouveler mon approche photographique du monde du ride : jouer à fond la série, tenter un travail en diptyques et aborder un reportage en commençant par photographier ce milieu en dehors des skis. A la manière de Romain Laurendeau et de son excellent reportage « Avoriaz, un hiver » (voir dans la rubrique série de son site).
Photoshoot sur le snowpark de La Plagne le 20 mars.
[kml_flashembed movie= »https://www.pierremorel.net/diapo/xavfavreinvit20mars09/loader.swf » height= »500″ width= »710″ allowFullScreen= »true » base= »https://www.pierremorel.net/diapo/xavfavreinvit20mars09/. » /]
Et puis pour finir cette article, une petite liste de photographes français et étrangers qui travaillent sur le ski newschool :
Pierre Augier, Jérôme Tanon, Fabrice Wittner, Dom Daher, Stef Candé, Erik Seo, Nicolas Joly, Mattias Fredriksson, Pascal Lebeau, Chris O’Connel, Elina Sirparanta, Jako Martinet, Tero Repo, Blake Jorgeson, Félix Rioux.
Affaire à suivre. Vos remarques sont les bienvenues !
Laisser un commentaire